Lutte contre les espèces envahissantes
La zone du PND n’échappe pas au phénomène d’invasion du Typha sur l’embouchure du fleuve Sénégal. La progression de cette plante aquatique était auparavant naturellement contrôlée par l’alternance saisonnière de l’eau douce du fleuve Sénégal et de l’eau salée de l’océan remontant le lit du fleuve en période sèche jusqu’au-delà de Rosso. La construction sur le fleuve du barrage de Diama a bloqué ce phénomène naturel et a provoqué le développement exponentiel de cette plante.
Un environnement fragilisé à l'origine du développement de plantes envahissantes
Au début des années 70, une sécheresse avait sévi dans les pays du Sahel et particulièrement en Mauritanie, entraînant une destruction de la couverture végétale et une baisse de la productivité (agriculture, élevage, pêche), au niveau du bas-delta mauritanien entre autres. Cette situation a été péjorée par la construction des barrages de Diama et de Manantali, par l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS).
Le barrage de Diama étant resté fermé pendant quasiment 10 ans (jusqu’en 1994), les eaux de l’estuaire du N’Thiallakh, situé dans sa partie aval (en dehors du PND, actuellement), sont devenues hyper-salines et les anciennes plaines inondables ont eu tendance à évoluer en sebkhas (Hamerlynck, 1996). Les ressources halieutiques ont fortement diminué tandis que la végétation estuarienne a quasiment disparu (Diawara, 1997). Aussi, le poids hydrostatique de ce barrage a provoqué la remontée de la nappe phréatique, dont les eaux d’origine lagunaire, ont compromis le développement de la végétation caractéristique de certains biotopes du bas-delta.
La stagnation de l’importante quantité d’eau douce disponible au niveau de la retenue de Diama a favorisé la prolifération de plantes aquatiques invasives (Typha australis, Salvinia molesta, Jussea repens, etc.) occasionnant ainsi une perte de considérable de biodiversité et une baisse de la production halieutique. En envahissant tous les plans d’eau libre, ces plantes obstruent les voies de migration des poissons, et notamment des crevettes côtières.
Ces perturbations du milieu naturel ont eu un impact d’autant plus négatif sur les économies villageoises (basées essentiellement sur l’exploitation des ressources naturelles) qu’elles interviennent après une période de péjoration climatique qui a décimé les troupeaux et compromis l’agriculture pluviale (Duvail, 1996).
Le développement du typha dans les plans d’eau avait été redouté dès la définition des premiers scénarios d’inondation du PND.
Impacts du développement du Typha
Le Typha a progressé de 1400 ha en moyenne par an entre 1956 et 2001 (source : SOGED) et occupait en 2001 62 670 ha de la vallée du fleuve Sénégal. Dans la zone cible, près de 9000 ha sont estimés envahis par le typha (source : SAED 2003 et projections). Ceci est d’autant plus dommageable qu’il s’agit pour une large part d’une surface protégée, le Parc National du Diawling présentant des écosystèmes extrêmement riches, dont la biodiversité est directement menacée par l’envahissement du Typha.
En outre, le Typha nuit gravement aux activités économiques : il empêche les activités piscicoles (eutrophisation) et réduit les accès au fleuve contraignant les pêcheurs à se déplacer parfois sur de longues distances (plus de 5 km).
Il limite fortement les activités agricoles et maraîchères car il envahit les surfaces agricoles irriguées colonisant les canaux, les drains d’irrigation et les parcelles des périmètres irrigués.
Il gêne aussi les activités traditionnelles du cueillette et d’artisanat, en réduisant les superficies de Sporobolus robustus, utilisé pour la confection des nattes traditionnelles, de nénuphars, à grande valeur nutritive, ou de diverses plantes et graines médicinales.
Le Typha supprime donc nombre d’emplois et de ressources dans la basse vallée du fleuve Sénégal.
Enfin, la prolifération du typha a des conséquences sanitaires pour les habitants des villages situés à proximité des Typhaies. Le pollen et les fleurs du Typha volent et se répandent en quantité importante, ce qui provoque des dégâts sur les cultures et des démangeaisons pour les villageois. De plus, le Typha abrite des espèces nuisibles pour les villageois (serpents, crocodiles) et pour les cultures (insectes, oiseaux granivores). Il provoque également des maladies intestinales chez le bétail qui s’en nourrit. Mais surtout, la dégradation de la qualité de l’eau sous l’effet de la colonisation par le Typha représente une menace directe pour la santé humaine et animale (recrudescence des maladies hydriques, prolifération des moustiques…).
Les actions de lutte contre le Typha
Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de gestion du Parc, il est prévu de lutter contre cette invasion qui sont de nature à modifier les caractéristiques et valeur écologiques et économiques de ces bassins.
Dans le souci de réduire les impacts de cette espèce sur la faune et les activités, le PND a lancé dès 2018, en étroite collaboration avec ces partenaires techniques et financiers (BACoMaB, ABS-UE et WACA), une action de lutte mécanique pour la Régulation des espèces envahissantes dans le Parc National du Diawling, dans l’optique d’un rétablissement d’un meilleur équilibre sur de ces écosystèmes.
Cette intervention concerne le dégagement de plus de 150 hectares dans les deux bassins du Parc, avec deux objectifs principaux : 1. Améliorer les conditions de vie des populations des zones rurales du delta du fleuve Sénégal ; 2. Contribuer à la protection des aires de production végétale et piscicole en régulant l’envahissement dans ces zones.
Les résultats de cette intervention sont entre autres : l’ouverture des bassins avec un plus grand accueil d’oiseaux ; un espace d’accueil pour l’ichtyofaune et les reptiles ; un espace pour le développement des espèces à forte valeur économique comme le Sporobolus ou les nénuphars ; un espace de pêche pour les pêcheurs locaux.
En plus d’être une action prioritaire pour la survie économique des ménages, qui coupent régulièrement le Typha pour limiter sa nuisance sur leurs activités socio-économiques, sa transformation en charbon constitue une solution gagnant-gagnant pour les populations et la gestion durable des ressources naturelles du parc.